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VidéoFestival Relectures

Document / Matthieu Dibelius

Dans les marges de RELECTURES 15...

« On apprend beaucoup de choses en allant sur le terrain »
Dominique de Villepin en visite dans un centre aéré / Journal de 13H / France Inter / 22.07.2005

Dans STADE BANAL présenté le 23 Septembre au festival des Littératures Vivantes RELECTURES, Matthieu Dibelius ne se contente pas d’identifier les formules toutes faites et « prêtes-à-communiquer » (bien-traitance… processus de réinsertion… champs d’intervention… démarche de proximité…) mais s’emploie à examiner l’apparente authenticité du « parler vrai, parler cash » :
« Vous voulez vraiment savoir ce que j’en pense ? Eh bien je vais vous le dire… » (sous-entendu « je ne pratique pas la langue de bois »). Une réponse émotive produite à chaud au lendemain d’un fait-divers choquant : En demandant systématiquement aux ministres « quelle est votre réaction ? », plutôt que « votre action ? », la parole des journalistes s’adapte à celle des politiques, qui elle-même s’adapte au rythme de la presse autant qu’au ton général des médias audiovisuels.

MAG_stade banal

Matthieu Dibelius va plus loin en reprenant à son compte la proposition de Foucault au sujet des écrits du fou littéraire Jean-Pierre Brisset :
« On pourrait imaginer que chaque mot de la langue peut servir à analyser tous les autres ; qu’ils sont tous, les uns pour les autres, principes de destruction ; que la langue toute entière se décompose à partir d’elle-même. »

Autour d’un mot quelconque, aussi gris qu’on peut le trouver dans le dictionnaire, il en convoque et en provoque d’autres, déployant un vaste HORS CHAMP LEXICAL DE LA SANTÉ MENTALE.
Avec les patients et soignants du Centre Antonin Artaud de Reims, il est allé jusqu’à composer un RÉCITAL LEXICAL, relayé par MEDIAPART, et dont les ateliers d’écriture sont diffusés sur R22 TOUT-MONDE.

Ayant grandi en Allemagne, la langue française avait sa source, sa norme et son autorité ailleurs. Je l’apprenais confusément, en extériorité, sans pouvoir me référer à une langue qui fut mienne. Le français est devenu une source de légitimation. « Il en va de ma crédibilité » entend-on souvent lorsque l’on s’efforce d’utiliser un jargon professionnel et spécialisé… Au fil du temps et des rencontres, j’ai assimilé la légitimité et la crédibilité du langage à un mécanisme d’horloge, à démonter sans cesse, à remonter sans cesse. « Même la France au bout d’un certain nombre d’années devrait changer de nom, par honnêteté, pour se dégager du mythe « France », disait Michaux.

Matthieu Dibelius crée LES ALENTOURS en 2011, une zone de libre-échange entre artistes, soignants et patients.
Qu’il s’agisse d’une collaboration entre un orthophoniste et un rappeur, entre une psychomotricienne et une chorégraphe, entre une aide-soignante et un vidéaste… Leur relation bouscule les idées rebattues en considérant les émergences avant les compétences. Les rencontres sont initiées hors cadre médical et invitent à imaginer de nouvelles formes de liens sociaux, refusant de limiter l’action artistique en milieu de soin à ses éventuels effets thérapeutiques.
Pas d’opération de prestige ou de consensus mou, mais une approche sensible aux « à-côtés » et opposée à toute logique de prestation. Pas d’actions indésirables face à d’autres pertinentes. Pas de dépositaires d’un savoir ou d’un pouvoir, mais des curiosités réciproques et potentiellement compatibles. Une relation qui se présente comme une durée à éprouver, à investir et surtout comme une invitation à interroger la manière dont les pratiques se transforment lorsqu’elles se frottent les unes aux autres.

Aux « actions transversales et mutualisées » – notions fumeuses utilisées à tort et à travers – LES ALENTOURS proposent de répondre par l’ancien terme « esgarder » : quelque part entre « regard », « égard » et « s’égarer ».

« Faire bouger le langage. C’est ainsi que nous avançons : de chute en chute, d’une erreur à une autre. La vie du langage, vous le savez bien, c’est le malentendu. Un glissement perpétuel », Jean Tardieu.