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Édito —

Une fabrique de terrains vagues

Olivier Marboeuf

On a trop vite fait de se dire qu’on a jeté un sort aux terrains vagues en déplaçant les frontières de la ville, en attribuant à chaque mètre carré une fonction précise et à chaque élément du mobilier urbain un usage ne laissant aucun doute.

Il suffira de pas grand chose, du regard d’un marcheur déconcentré, d’un passant indiscipliné pour que d’infimes incidents percent l’écran et dégoulinent sur la scène fraîchement repeinte. Il suffira d’une baraque à frites, d’un bac à fleurs renversé, d’un graffiti à l’orthographe improbable, d’un bidon coupé et d’une odeur de marron, d’un message indéchiffrable en motifs de chewing gum sur le sol, d’un groupe de jeunes plus tout à fait jeunes banlieusant un palier, et tout sera en place pour que quelques images surgissent et que l’amateur de terrains vagues aperçoive l’incertitude recouvrir les faubourgs de son tsunami silencieux.